mardi 8 mars 2011

Il faut garder l'activité des antibiotiques pour soigner les hommes malades

Une quinzaine de patients de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont été infectés par une bactérie très résistante aux antibiotiques et dénommée Acinetobacter baumanii résistante carbapenem, 4 patients atteints sont décédés (communiqué Agence Régionale de Santé - PACA) ; une enquête est en cours pour déterminer si la contamination est bien la cause de ces décès.
Ainsi la liste s’allonge de ces bactéries tueuses et ravageuses ; après les familles des staphylocoques, celle des entérocoques, et des bacilles tuberculeux… voici les acinetobacter qui s’en mêlent.
On sait depuis longtemps que cette résistance qui vaut mort d’hommes, de femmes et d’enfants, qui vaut souffrances, invalidités et handicaps, prospère sur la mauvaise utilisation des antibiotiques en médecine humaine et animale et sur leur consommation abusive en élevage intensif.

Faut-il attendre un scandale en grand nombre pour mettre en place un plan drastique de réduction des antibiothérapies inutiles tant en médecine humaine qu’en agro-alimentaire, avec suivi et contrôle de sa bonne application?

Selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) de 2006, la France détenait en 2003 le record en Europe du taux de résistance aux antibiotiques, soit 50 % pour la pénicilline et 28 % pour la méthicilline, utilisées respectivement contre le pneumocoque et le staphylocoque doré, constituant les principales bactéries à l'origine des infections nosocomiales.
C’est pourquoi le LIEN a demandé officiellement que soit mise en place une politique de réduction de la consommation des antibiotiques en médecine de ville, mais pas seulement.
En effet, si la prescription d'antibiotiques en médecine humaine a baissé de 25% en 10 ans, grâce à des campagnes de santé publique de type « les antibiotiques, c’est pas automatique », et grâce aux contrats de bon usage signés par les établissements de santé, elle reste stable en médecine vétérinaire, avec des antibiotiques de plus en plus puissants.

"Il faut garder l'activité des antibiotiques pour soigner les hommes malades",

alertait le 10 mai 2010 à la maison de l’Aubrac à Paris, le professeur Antoine Andremont, directeur du laboratoire de bactériologie du groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard.
Lors des États généraux des infections nosocomiales 2011, dans divers colloques 2010 , lors de la conférence de presse du 6mai 2010 à la maison de l’Aubrac et aussi auprès du comité de pilotage de lutte contre les résidus de médicaments dans l’eau à l’ANSES, le LIEN a déjà plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur le risque majeur de santé publique que représente la consommation abusive d’antibiotiques dans l'élevage.
Les vétérinaires et les éleveurs peu à peu se sont emparés des molécules antibiotiques soit pour soigner, ce qui parait normal, soit pour prévenir les épidémies en élevages intensifs, soit pire comme facteurs de croissance animale.
L’utilisation des antibiotiques comme facteurs de croissance est, certes, aujourd’hui interdite en France ; mais c’est une interdiction « de papier », car d’une part les contrôles sont insuffisants, les fraudeurs ne risquent pas grand-chose, d’autre part l’utilisation dite « préventive » en élevage intensif en font un facteur de croissance qui ne se dit pas.
Pour une consommation de 1000 tonnes d’antibiotiques en France en médecine humaine, c’est 1300 tonnes tracées utilisées en agroalimentaires et médecine vétérinaires. Quatre familles de produits (tétracycline, sulfamides, pénicillines et macrolides) ont représenté plus du 80% du tonnage vendu.
L'union européenne estime à 25.000 le nombre de décès par an imputable au phénomène d'antibiorésistance. Les Pays Bas et l’Allemagne sont confrontés à une souche hautement mortelle la souche ST 398 dans les élevages porcins.
Aujourd'hui, pour limiter le développement de la résistance bactérienne, les pouvoirs publics réservent les nouveaux antibiotiques au milieu hospitalier, avant de les rendre éventuellement accessibles à la médecine de ville et/ou à l'utilisation vétérinaire.
Certains réseaux de vétérinaires arrivent cependant à mettre dans le circuit des antibiotiques interdits à l’usage animal en France. Ainsi en 2010, la direction départementale des services vétérinaires a saisi, dans plusieurs cliniques vétérinaires dans les Ardennaises, puis dans le Tarn, des stocks d’antibiotiques interdits en France en médecine animale (famille paromomycine et appelé à tord « argile blanche ») ; cet antiparasitaire utilisé par les éleveurs pour combattre la diarrhée des veaux, alors qu’il en existe un autre adapté à la médecine animale et que de bonnes mesures d’hygiène peuvent prévenir ce genre de maladie du jeune veau.

Polluer plus, pour gagner plus :

Le système responsable et coupable.
L’une des failles du système remonte au jour où l’Etat a autorisé la vente des médicaments vétérinaires par les vétérinaires eux-mêmes. Imaginez un instant que les médecins gagnent leur vie en vendant les médicaments qu’ils prescrivent !
Aujourd’hui, près de 70 % du chiffre d’affaires vétérinaire repose sur la vente de médicaments.Comment l'État a t-il pu générer ce type d'économie?
Il est évident que l’Etat y trouve son compte. Il fait peser sur le médicament, le financement de la médecine vétérinaire, au lieu de financer la mission de surveillance de la santé animale ; ce sont les ventes de médicaments qui assurent la présence des vétérinaires sur le territoire ; un système parfaitement pervers qui contribue au développement de l’antibiorésistance générale, à la contamination humaine par des bactéries résistantes et coûte cher en souffrances et vies humaines.
De plus, cette politique vétérinaire absurde, est responsable du maintien de l’usage élevé des antibiotiques au travers de l’élevage intensif ; elle empoisonne la viande livrée à la consommation et pollue l’eau, les sols, les cultures, la flore et la faune aquatiques.

Une telle politique nous conduit par différents chemins à un véritable « désastre sanitaire ».

Après des années les yeux fermés, un plan d’actions devrait voir le jour d’ici à la fin de l’année 2011, avec consultation de tous les acteurs.
L’espoir est toujours permis.

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