mercredi 13 avril 2011

1er WORKSHOP FRANÇAIS SUR LA PHAGOTHERAPIE

Une réunion nationale sur la phagothérapie vient de se dérouler sous la forme d’un atelier de travail sur le site prestigieux de l’école de formation du Service de Santé des Armées du Val de Grâce à Paris. Elle était organisée par le GEEPhage créé il y a 4 ans par le GEEP, Groupe d’Etudes Epidémiologiques et Prophylactiques, afin de promouvoir et développer la phagothérapie. Ce « workshop » a permis de réunir le 30 mars 2011 plus de 40 personnes d’origines variées : microbiologistes, chercheurs et cliniciens infectiologues, orthopédistes, spécialistes des brûlés, réanimateurs, civils et militaires, membres de l’Afssaps, de la Direction générale de la santé (DGS), membres de groupements professionnels (SPILF, OrthoRisq) ou d’associations de patients (le Lien). Des collègues étrangers, impliqués dans la phagothérapie sont venus de Belgique et surtout de Géorgie, nous faire partager leur riche expérience.

Après une brève présentation de la journée, ont été abordés les problèmes réglementaires, frein important dans le développement de la phagothérapie en Europe. Les bactériophages restent des médicaments « ordinaires » avec toutes les contraintes de production que cela impose, malgré une demande d’identification comme produit « particulier ». En effet, l’utilisation des bactériophages doit souvent être un traitement à la carte, adapté à la ou les bactéries responsables de l’infection.

Cette production (isolement, amplification, adaptation et production) de bactériophages développée depuis les années 30 en Géorgie, à l’Institut Eliava (Dr Zemphira Alavidze), s’adapte aux besoins actuels : recherche de nouveaux phages vis-à-vis de bactéries émergentes souvent multirésistantes (entérobactéries, Pseudomonas, Acinetobacter, entérocoques résistants à la vancomycine, mycobactéries…) et amélioration qualitative de la production (séquençages des phages…).

Des industriels (Pherecydes Pharma en France, EBI Food Safety en Hollande et Special Phage Service en Australie) spécialisés dans l’application de bactériophages thérapeutiques/prophylactique ont fait état de leur développement en recherche sur la phagothérapie (bactériophages utilisés dans l’agroalimentaire, bactériophages en vue de thérapeutique humaine, action des phages sur les biofilms).

Peu d’études expérimentales ont été développées en France ; elles concernent essentiellement l’infection respiratoire à Pseudomonas sur modèle murin (Laurent Debarbieux - Institut Pasteur de Paris).

La phagothérapie humaine est largement utilisé dans les pays de l’ex bloc soviétique ; le Pr Guram Gvasalia (chirurgien –urgentiste à Tbilissi et ancien médecin-chef de l’hôpital militaire de Gori – Géorgie) nous a fait partager sa riche et longue expérience, civile et militaire de cette thérapeutique presque centenaire, principalement dans le domaine des infections cutanées et ostéoarticulaires. Ce spécialiste a insisté sur l’impératif d’une étroite collaboration entre les disciplines (chirurgiens et/ou spécialistes, infectiologues et microbiologistes), l’association de l’antibiothérapie. Il a aussi souligné les limites de la phagothérapie. Les équipes de l’hôpital militaire de Bruxelles et du CHI de Villeneuve Saint Georges ont rapporté leur courte expérience, respectivement chez les brûlés et dans des infections ostéo-articulaires. Quelques autres pathologies où le rôle de la phagothérapie parait intéressante ont été abordées : infections chroniques respiratoires dont la mucoviscidose, infections aiguës digestives telles le choléra actuellement en pleine recrudescence à travers le monde, traitement (décontamination digestive, cutanéo-muqueuse…) d’infections/colonisation avec des bactéries multi-résistantes, enjeu majeur de santé publique du XXIème siècle.

Les débats ont permis d’aborder plusieurs applications médicales de la phagothérapie et ont révélé que de nombreux projets de recherches sont envisagés : phages et immunité, associations phages et antibiotiques, phages et biofilms, vectorisation des phages…

La réalisation d’un CD réunissant les diaporamas présentés et documents complémentaires comme une bibliographie est en cours de réalisation.

Un prochain rendez-vous a été fixé aux participants pour la fin de l’année 2011 avec le Centre Français d’Etude de la Phagothérapie (CeFEP) dont les principales missions seront de définir, d’harmoniser les protocoles thérapeutiques et de centraliser les données relatives aux traitements.

Alain Dublanchet, microbiologiste

Olivier Patey, infectiologue

GEEPhage, CHI Villeneuve Saint Georges

Encadré : rappel du principe de la phagothérapie.

La bactériophagothérapie (généralement appelée phagothrapie) est l’utilisation de bactériophages (plus simplement phages) pour traiter des infections bactériennes. Les bactériophages sont des virus spécifiques des bactéries. Il existe une spécificité d’espèce voir de souche selon les cas. Les phages utilisés sont strictement lytiques, c'est-à-dire qu’ils ne produisent pas d’intégrase nécessaire à l’incorporation de matériel(s) génétique(s) indésirable(s) et dangereux tels que gènes de résistance ou de virulence. Ils se multiplient très rapidement et de façon exponentielle dans le foyer infectieux en présence de la bactérie.

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