lundi 18 octobre 2010

Message du LIEN : "de l'incompétence à la maltraitance, juste un tout petit pas"

Préambule :
Il y a en France d’excellents professionnels de santé, ils sont très nombreux; ils ont tous envie de bien faire leur métier. Ils aiment leur travail, ils ont la passion des patients ; ils savent pourquoi ils sont médecins, infirmières, aides soignantes, directeur d’établissement de santé…
Il y a aussi hélas des mauvais avec la même proportion d'erreurs de castings que l’on trouve dans tous les métiers, et peut-être de "méchants", ou d'incompétents qui n’ont pas grand-chose à faire dans nos métiers de la santé. Ils sont peu nombreux mais hélas, la mission du LIEN est de les côtoyer à travers les dossiers confiés.
Vous êtes des dizaines de milliers de patients ou de familles et peut-être bien plus, à ne pas avoir pu vous faire entendre par les médecins, la direction des soins (mais où est-elle ? que fait-elle ?) ou les autorités, alors que vous aviez subi des complications anormalement graves, ou bien avez été témoins de manquements envers les patients, parfois de négligences quasi volontaires, ou d'inhumanités avec atteinte à la dignité voire des humiliations qui ont laissé en vous un vrai traumatisme.
Parfois, vous nous écrivez « je ne peux pas me faire entendre, et de ce fait, je ne peux pas faire mon deuil' ». Alors que faire ?
Tel est le cas de Nathalie et de sa maman, qui ne peuvent faire le deuil d’André, leur père et mari hospitalisé en Pays de Loire, parce que toutes les portes auxquelles elles ont frappé se sont fermées.
Que s’est-il passé dans cette clinique, en Pays de Loire ?
André avait 76 ans. Son médecin traitant lui diagnostique un cancer de l’estomac et l’adresse à son correspondant chirurgien en clinique. André n’a pas d’antécédents particuliers qui apparaissent dans son dossier.
Il est opéré en juin 2009, gastrectomie des 2/3, ablation de vésicule, tumeur bien localisée, pas d’extension dit le compte rendu chirurgical, pas de métastases hépatiques. André a toutes ses chances. Il décède un mois plus tard le 21 juillet.
Son parcours, bien court, dans la clinique parait cependant parsemé d'une longue suite de négligences. Après un épisode d’épanchements pleuraux, et choc septique, il quitte les soins intensifs continus pour passer en service de chirurgie.
Le chirurgien est peu présent pendant le séjour, il fait des visites quand il y pense ou à peu près, et il part en vacances ; certes il en a bien le droit, à condition que le patient reste suivi, or le dossier témoigne d’une surveillance discutable.
Le patient a perdu les 2/3 de son estomac. Il perdra aussi beaucoup de poids ; combien ? il se dénutrit chaque jour un peu plus ; il vomit mais «'c’est normal » s’entend répondre sa femme, la famille alerte, il ne s’alimente pas ou mal , les repas ne sont pas fractionnés, la douleur est importante, mais dans le dossier nulle trace de sa prise en charge. Il y a bien un emplacement pour évaluer la douleur, il est vierge pendant tout le séjour. En revanche, les infirmières notent que le patient est agressif.
Si l'on regarde le résultat de certification V2, malgré une réserve, et malgré une visite de suivi, la prise en charge de la douleur reste cotée en rouge, c'est à dire très mauvaise prise en charge.
Au bout de quelques jours en service de chirurgie après sa sortie d'unité de soins continus, le patient est transféré ou plutôt « dégagé » selon la famille rapidement , le 20 juillet alors qu’il ne va pas bien. Pourquoi ? La dictature de la durée de séjour ? Ce séjour va-t-il faire apparaître une durée d’hospitalisation trop longue pour cette intervention ? Est-ce ainsi que l’on gère la sécurité des patients ? Ou bien, par crainte d’un décès défavorable à ses statistiques, le chirurgien a-t-il décidé que son patient devait décéder ailleurs, et savait-il que la fin de son patient était proche ?

On ne sait pourquoi une décision si rapide, dit la famille. Le patient est orienté vers un établissement de soins de suite. Il est très affaibli, noté comme patient en grande dénutrition dans le dossier à son arrivée dans ce nouvel établissement privé, il souffre dit sa famille, il ne tient pas debout. On l’oblige à marcher.
A l’arrivée de la clinique en soins de suite, « ici, on se lève et on s’habille » lui signifie l’infirmière, c’est le règlement ! Il s'applique à tout le monde !
Dès le premier soir, on lui sert une quiche lorraine alors qu'il n'a plus qu'1/3 d'estomac et ne peut mastiquer, trop faible ; la lettre du médecin et la fiche de liaison n’ont pas été lues par les infirmières ; personne ne sait pourquoi ce patient est transféré et qu'il ne s'alimente pas comme les autres. Régime, le même pour tous?
André décède la même nuit à 5 heures 30 du matin, le 21 juillet. Personne ne sait pourquoi. Sur le dossier une personne a noté : trouvé décédé dans son lit à 5 heures 30.
Les conditions de sa prise en charge laissent à penser qu’il y a eu beaucoup de négligences dans sa prise en charge médicale et soignante.
Par exemple, le dossier ne témoigne d’aucune évaluation et trace de la prise en charge de sa douleur qui l’épuise, et surtout, surtout, aucune trace de la surveillance de son poids.
Nous avons passé au peigne fin toutes les pièces du dossier de soin (fiche infirmière d’entrée, feuilles dites de surveillance, transmissions, alimentation, feuille de température, fiches de liaison infirmières inter service et de sortie) la fiche d’anesthésie, les fiches médicales. Rien. Ce patient ne pèse pas lourd.
Il y a cependant une diététicienne, elle fait des prescriptions alimentaires mais elle n’a donc pas besoin de connaître le poids de son patient ?
Du jour de l’entrée, au jour de son décès, ce patient n’a jamais été pesé et pourtant, il est opéré pour un cancer digestif ! Et pourtant sa dénutrition est visible pour tous, pas seulement pour la famille ; cette dénutrition est bien notée dans l’observation faite par la clinique de soins de suite où il sera transféré.
La famille est priée de reprendre le corps d’André immédiatement, une précipitation traumatisante qui en rajoute au traumatisme du décès brutal et au sentiment d’impuissance à avoir pu faire entendre efficacement la souffrance de cet être cher.
La famille écrit donc pour être enfin entendue et recevoir des explications cohérentes et des réponses à quelques questions.
Elle écrit à la clinique où il a été opéré. La clinique répond, nous n’avons rien à nous reprocher. et nous ne sommes pas concernés par les comportements des médecins, ils font ce qu’ils veulent avec leurs patients. Sur le dossier, on trouve une trace écrite de la main du chirurgien « donné les informations à la sortie " suivie d’énormes caractères «!!??".
Le médecin traitant, correspondant du chirurgien ne fut d’aucun secours. Normal entre confrères de la même ville.
La fille d’André écrit alors à la DASS, un inspecteur de DASS répond « la clinique a fait une enquête interne, ils n’ont rien à se reprocher ; c’est juste un malentendu entre vous ! »
et mieux : l’inspectrice de la DASS responsable de cette non-enquête, répond au téléphone à la fille: « J’ai toute confiance dans ce chirurgien, je le connais bien ! » cela ne s'invente pas, elle aurait pu dire, « nous sommes tous copains ».
Alors comment se faire entendre ?
9 clés :
1 – Du côté de l'établissement
• Le directeur de l'établissement ? peu d'espoir de ce côté ; en plus les assureurs font obstacle à toute reconnaissance de défaillance de prise en charge
• La CRU ? commission des relations des usagers. Adresser une lettre recommandée au Président de la commission des relations des usagers de l’établissement, commission interne à chaque établissement privé ou public. N’en espérez pas grand-chose cependant, car c’est une commission interne et elle n’a que des moyens limités.
• Une copie de cette lettre au gestionnaire de risques de l’établissement est recommandée car sa mission est de détecter, combattre et prévenir les défaillances susceptibles de nuire à la sécurité des patients.
2 – Du côté de la tutelle
• Le directeur de l’Agence régionale de Santé, ARS : Lettre pour signaler les carences constatées, argumentées.
• Copie de cette lettre au ministre de la santé. Il se peut que si l’affaire est estimée assez grave, cela provoque non pas une enquête interne, comme à Angers, mais une inspection générale de l’établissement par le ministère de la santé.
• Et aussi, copie de cette lettre au président du conseil d'administration de la clinique ou du groupe auquel elle appartient, et s'il s'agit d'un établissement public, au président du conseil de surveillance.
3 – Du côté de la Haute Autorité de Santé, la HAS
Adresser une lettre énumérant les points de défaillance de l'organisation et des pratiques et au minimum, votre lettre sera archivée et lorsque l’établissement recevra la visite des experts, ils seront plus attentifs aux points de défaillance signalés. Espérons.
4 – Du côté de la CRCI
Vous pouvez saisir la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, surtout s’il y a eu décès.
Cette démarche gratuite vous permettra d’avoir une expertise gratuite, une explication que vous n’avez pu obtenir autrement, mais attention, cela ne signifie pas que vous aurez obligatoirement une indemnisation; tout dépendra des conditions et des conséquences du problème. Mais saisir la CRCI permet de mettre l'établissement en situation de rendre des comptes sur ce qui s'est passé.
5 – Du côté de l'ordre des professions de santé
Vous pouvez saisir le conseil de l'ordre d'une profession médicale ou para médicale, s’il s’agit d’un comportement contraire aux règles déontologiques ; là aussi peu d’espoir, force est de constater que peu de réclamations devant le conseil de l’ordre des professionnels aboutissent; c’est encore une procédure interne, interne à un corps professionnel et le corps se protège bien. Cependant si plusieurs réclamations concernent le même médecin, ou autre professionnel, le conseil finit par se poser des questions.
6 – Du côté de la justice
S’il s’agit d'un préjudice grave lié à une faute patente ou s'il s'agit d’une négligence volontaire, d’une exposition délibérée à un risque sans aucun intérêt pour le patient, d’une violence volontaire, alors il ne reste plus que la voie judiciaire.
7 – Du côté des associations de patients, le LIEN est là pour vous aider
8 – Du côté du médiateur de la République. Vous pouvez saisir le délégué à la santé
9 - Ultime recours, la presse:
La presse, seulement si vous ne pouvez vous faire entendre autrement ; c'est un ultime recours parfois difficile, lourd et explosif qui nécessite une bonne résistance psychologique et surtout attention : ne pas accuser à tord.

Tirer des leçons de ces désastres et en faire des sources de progrès:
''Chers patients, chères familles de patients et victimes de défauts de prise en charge, vous êtes les partenaires incontournables de la gestion des risques associés aux soins.
Le signalement de ces défaillances est une démarche indispensable pour mieux les prévenir.
Merci d’apporter votre collaboration à la prévention des accidents médicaux. Vous êtes les premiers intéressés, souvent les mieux renseignés, pour participer à cette démarche nationale.
Et n’attendez pas qu’un évènement malheureux arrive. Ne restez pas silencieux.
Si vous détectez une défaillance, en hygiène par exemple, ou autre, signalez cette défaillance au gestionnaire de risques de l’établissement.''
De notre côté, après examen du dossier d’André en Pays de Loire, nous avons constaté maintes lacunes quant aux obligations de tout établissement habilité à la cancérologie.
Nous nous réservons le droit d’attirer l’attention de la tutelle sur ces carences, car elles concernent des conditions d’autorisation des établissements à exercer la cancérologie ; elles concernent donc tous les patients de cet établissement.
Contacter le lien pour en savoir plus

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